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Discussion sur le budget primitif régional 2012

Vous trouverez ci-dessous l'intervention de Vincent CHRIQUI sur le budget primitif 2012 du Conseil Régional.

Vincent CHRIQUI, conseiller régional UMP, a été nommé en Conseil des Ministres, le 13 Janvier 2010, Directeur Général du Centre d’analyse stratégique.

Il maîtrise parfaitement les finances et les analyses budgétaires des administrations.  

(seul le prononcé fait foi)

Cette année, la majorité affirme qu’elle nous présente un budget marqué par une exigence nouvelle de responsabilité.

C’est une conversion tardive mais salutaire… même si elle est largement dictée par le contexte national.

D’une part, la réforme des finances locales limite dorénavant la capacité de la région à augmenter les impôts. Tant mieux !

D’autre part, la crise économique qui oblige toutes les collectivités, pour continuer à se financer auprès des acteurs de marché, à apporter des preuves d’une gestion soutenable.

Vous faites donc le choix d’une certaine stabilité de la dépense. C’est bien mais, au regard du passé, ce n’est pas suffisant.

Car, comme nous l’avons démontré à de nombreuses reprises, et comme je le rappellerai à nouveau, depuis 2004 vous avez tout laissé filer : la dette, la fiscalité, les dépenses de fonctionnement. Aujourd’hui ce n’est pas d’un simple gel que la région a besoin, mais d’une véritable stratégie de réduction des dépenses et de la dette.

Vous êtes, en somme, dans la situation d’un automobiliste qui fonce vers un mur et qui se dit : le mur se rapproche, je vais donc arrêter d’accélérer. Mais ce qu’il faut, c’est commencer à appuyer sur le frein…

La région doit donc revoir d’urgence sa stratégie budgétaire, dans plusieurs domaines :

La dette
La dette, rappelons-le, a été multipliée par 3 depuis le début de la précédente mandature.

La capacité de désendettement de la région (durée nécessaire pour rembourser la dette si la région y affectait toutes ses ressources disponibles en stoppant tout investissement) est de 2 ans en 2005, 3 ans en 2009, 4 ans en 2010. Nul ne peut contester, selon les termes du CESER, la « progression continue et rapide » de la dette ces dernières années.

Le seul frein à cette dérive est le retard pris par certaines dépenses, notamment du fait de l’impact de la crise sur les partenaires de la région. C’est là une observation récurrente, maintes fois relevée par le CESER : la région pousse devant elle un volume d’engagements non couverts sans cesse croissants. Ce qui signifie en somme que la maîtrise des dépenses obtenue en exécution est illusoire : un jour, il faudra payer la note !

Les ressources
Comme chaque année, les ressources de la région ont fait l’objet de nombreuses déclarations plus ou moins alarmistes de la part des responsables de la majorité. Aux traditionnelles récriminations sur les concours de l’Etat et la limitation du recours à la fiscalité, vous ajoutez des inquiétudes, nouvelles celles-là, mais pour le coup assez légitimes, liées à l’assèchement du crédit pour les collectivités locales.

S’agissant des relations entre l’Etat et les collectivités locales le moment est venu de tenir un discours de vérité.

Certains d’entre vous affirment : l’Etat n’a pas à nous donner des leçons de gestion, regardez l’évolution de ses déficits. Ce sont exactement les mêmes qui se lamentent jour après jour de la RGPP, de la diminution des effectifs, de la fermeture des services publics… Il y a un moment où il va falloir choisir : est-ce que l’Etat est trop rigoureux, ou pas assez ?

La réalité est connue et elle a été rappelée avec force par le Premier Ministre dans son discours de bilan de la revue générale des politiques publiques, prononcé le 29 novembre dernier. Grâce aux mesures mises en œuvre, l’Etat aura économiséì plus de 15 milliards d’euros entre 2009 et 2013, dont la moitieì sont déjàÌ acquis. Entre 2008 et 2012, 150.00 postes de fonctionnaires ont été supprimés. Les dépenses globales de l’Etat ont été gelées année après année.

Le Gouvernement maîtrise toutes ses dépenses et évidemment il ne peut faire autrement que de maîtriser, aussi, les transferts aux collectivités. Plutôt que de s’en plaindre, alors qu’il n’y a manifestement pas d’alternative, la région devrait accepter de prendre sa part dans l’effort que la crise économique impose à toutes les collectivités.

S’agissant de la perte de l’autonomie fiscale, j’ai déjà dit qu’à mes yeux la réforme de la fiscalité était un véritable « bouclier » protégeant les rhônalpins. Après la hausse de 25% de la fiscalité depuis le début du précédent mandat (50% sur les cartes grises, 400% sur l’essence !) il était temps de limiter votre capacité à augmenter les prélèvements.

De plus, notre débat d’hier a montré que la région n’avait pas été perdante dans les transferts de compétence et qu’elle avait les moyens, si elle le voulait, de réduire la TIPP. Nous le demandons et nous continuerons à le demander.

Enfin s’agissant du financement par la dette, vous êtes confronté à des difficultés à lever l’emprunt.

Il faut être juste : cela tient autant à la restriction du crédit dans le contexte de la crise qu’à la situation particulière de Rhône-Alpes. Dès lors, personne ne peut évidemment se satisfaire de cette situation et l’Etat est déjà intervenu et continuera à le faire, notamment via la Caisse des dépôts et consignations, pour permettre aux collectivités de se financer dans des conditions satisfaisantes.

Pour autant, on ne peut qu’être interloqué de votre démarche de recours à l’emprunt obligataire : en principe quand des difficultés de financement apparaissent, c’est le signal qu’il faut améliorer sa gestion et trouver une stratégie pour diminuer sa dette. Pas pour vous ; pour vous, c’est un véritable appel à l’imagination : il faut trouver de nouveaux moyens d’emprunter !

Les dépenses
Enfin, le plus préoccupant dans la situation de la région c’est surtout la nature des dépenses.

Trop peu de dépenses d’investissement…
Lors de l’un de nos débats en commission un commissaire de gauche, manifestement irrité de se voir reproché le haut niveau de l’endettement, a eu cette remarque : « mais il y a de la dette qui est utile ; en fait il faudrait pouvoir distinguer la bonne dette de la mauvaise dette ».

Intéressant commentaire, sans doute inspirée d’une analogie diététique (il y a bien du bon et du mauvais cholestérol…), mais qui n’est pas sans justification. C’est vrai, que faut-il penser de la dette de la région ? Est-elle bonne (permettant d’investir, de préparer l’avenir) ou mauvaise ?

Le problème c’est que Rhône-Alpes, dont la dette a explosé, reste la région qui a le plus faible niveau d’investissement par habitant en France, avec presque moitié moins de PACA qui est première. Et cela ressort du rapport financier de l’an dernier et porte sur 2010, c’est-à-dire que de ce niveau d’investissement extrêmement faible, il faudrait encore retirer les dépenses liées au nouveau siège pour connaître le niveau réel des dépenses d’investissement productives au profit de la collectivité !

Quand on lit dans les documents budgétaires que la région stabilise son investissement « à un niveau historiquement élevé », cela fait sourire…

… Trop de dépenses de fonctionnement
Et cela confirme ce que nous dénonçons de manière constante depuis le début de la mandature : c’est la dérive des dépenses de fonctionnement qui menace les finances de la région, c’est cette dérive qu’il faut arrêter, c’est dans ce domaine qu’il convient d’engager une réforme profonde fondée sur une véritable révision d’ensemble – une « RGPP régionale » qui est maintenant urgente.

L’exécutif nous reproche toujours de ne pas assumer de véritables propositions d’économie : tout au long du débat budgétaire à venir, nous proposerons des amendements de réduction de crédits. Même dans l’opposition, nous n’avons pas de mal à identifier des gisements d’économies ; et il n’y a pas de doute qu’une véritable revue des programmes permettrait d’identifier des pistes beaucoup plus ambitieuses.

Le premier domaine où il importe de toute urgence de revoir nos modes de fonctionnement, ce sont les emplois de la région et ses frais de fonctionnement.

Ce sont les postes qui augmentent le plus dans le budget : vous évoquez la stabilité des dépenses, les charges de personnel progressent de 4,3% et les services généraux de 6% !

Depuis 2004, le nombre d’agents est passé de 800 à 1.400. Généralement vous invoquez vaguement les transferts de compétences : la Cours des comptes, dans son récent rapport sur la gestion des ressources humaines de la région, a rendu caduc cet argument puisqu’elle a démontré que la grande majorité des recrutements n’étaient nullement liés à des compétences nouvelles.

Les agents de la région sont compétents, dévoués, professionnels, et ils accomplissent leur travail du mieux qu’il leur est possible. Ce n’est pas leur qualité qui est en cause ici mais la nature des missions qui leur est assignée.

Un exemple particulièrement éclairant est celui des CDDRA : la région, qui devrait être une collectivité pilote, a voulu se transformer en intervenant de proximité au côté des communes, des communautés de communes, des départements. Au lieu de les laisser porter les projets locaux, quitte à décider in fine de les appuyer ou non, elle a désigné des animateurs pour se substituer à ceux qui sont réellement aux contacts du terrain. C’est une erreur historique qui entraîne dilution des responsabilités et enchevêtrement des compétences.

Même remarque sur les « Espaces Rhône-Alpes » dont un bilan récent montrait qu’ils n’apportaient aucun bénéfice aux citoyens, qui les ignorent quand ils n’y voient pas une source supplémentaire de confusion.

Le Premier Ministre l’a rappelé : chaque année, les collectivités locales ont recruté 40.000 agents, annulant de fait l’impact du non recrutement d’un fonctionnaire sur deux, et cela même en l’absence de tout transfert de compétences… Nous ne pouvons pas continuer ainsi.

D’autres postes d’administration générale méritent également de participer à l’effort de maîtrise des dépenses. Sans souci d’exhaustivité je citerai notamment : l’information et la promotion des politiques, la démocratie participative, les coopérations interrégionales, le développement, la francophonie, l’éducation populaire… Tous ces domaines dans lesquelles la majorité envoie des signaux, certes, brandit des symboles, sans doute, mais dont les résultats sont pour le moins incertains. En période de crise, il n’y aurait pas de mal à recentrer la région sur la défense des intérêts des rhônalpins.

De notre côté, nous privilégions deux domaines prioritaires dans nos propositions, les deux domaines clés pour la préparation de l’avenir (bien entendu ces dépenses supplémentaires sont largement compensées par les économies que nous proposons par ailleurs).

La formation et en particulier l’apprentissage : L’an dernier nous avions dénoncé l’erreur historique que représentait selon nous l’absence de tout effort nouveau en faveur de l’apprentissage, puisque les effectifs étaient simplement reconduits. L’Etat a fait un autre choix, basé sur la reconnaissance du rôle essentiel de l’apprentissage pour l’insertion professionnelle des jeunes, et vous avez accepté de le suivre, ce qui est heureux. Nous pensons qu’il est possible d’aller plus loin et nous ne partageons pas les craintes que nous entendons parfois exprimées sur les bancs de gauche, de voir des jeunes qui auraient pu faire le choix d’études en filières classiques, s’orienter vers l’apprentissage : car pour nous l’apprentissage – y compris dans le supérieur – est également une voie d’excellence.

La recherche et l’innovation : C’est évidemment la clé de la croissance future de notre région et de ce point de vue nous aurions préféré un autre choix que celui qui consiste à réduire l’action économique en 2012, que ce soit en investissement ou en fonctionnement. C’est pourquoi nous proposons aussi, dans nos amendements, un effort sur ce poste.

A vrai dire, ce domaine de l’intervention économique est sans doute le plus difficile pour vous car c’est l’un de ceux où vos visions différentes et même contradictoires des différents groupes de votre majorité, se heurtent, rendant quasi impossible la définition d’une véritable stratégie.

On se souvient que l’an dernier le soutien à la recherche sur les nanotechnologies à Minatec, véritable « pépite » du pôle de recherche grenoblois, avait fait l’objet d’un amendement de suppression des Verts et n’avait pu être adopté que grâce au soutien de notre groupe.

Que dire cette année de l’amendement de nos collègues du Front de Gauche qui réduisent la ligne innovation et recherche, celle que nous proposons précisément d’augmenter, au motif… que la politique du Gouvernement oblige la région à concentrer ses investissements sur les centres universitaires et de recherche relevant des « initiatives d’excellence », c’est-à-dire qui sont au meilleur niveau mondial dans leur domaine ! Tous les pays du monde cherchent à se surpasser pour gagner la bataille de la compétitivité, mais il faudrait que le nôtre y renonce ! Et quand on sait que la région Rhône-Alpes est l’une de celles qui a le plus bénéficié de cette politique, compte tenu précisément du haut niveau de sa recherche, on est tout de même interloqué de voir un groupe de la majorité clamer haut et fort qu’il est temps de faire machine arrière…

« Une région citoyenne »
Nous pensons au contraire qu’il est temps de sortir de l’ambiguïté que vous impose la confusion de votre majorité hétéroclite.

Conduire une politique de développement économique fondée sur le développement rapide des formations professionnelles dans les secteurs porteurs, et sur la recherche de l’excellence en matière d’innovation et de recherche.

Et, dans tous les autres domaines, assumer un véritable redressement des comptes parce que les circonstances ne tolèrent pas d’autre choix.

Mesdames et messieurs, parmi vos priorités il y a celle d’une « région citoyenne ». J’ai tendance à penser que vous galvaudez souvent le beau mot de citoyen et c’est pourquoi je voudrais vous donner notre définition de ce qu’est une région citoyenne.

Pour nous, c’est une région qui se considère comme solidaire de la communauté nationale, incarnée par l’Etat. Qui est prête à faire des efforts au moment où la France est confrontée à une crise mondiale. Qui accepte de remettre en cause ses modes de fonctionnement au moment où chaque institution, chaque entreprise de notre pays est dans l’obligation de se moderniser.

Une région citoyenne c’est une région qui tend la main à l’Etat au lieu de lui tendre sa sébile. Une région citoyenne c’est une région qui dans la période que nous connaissons se demande ce qu’elle peut faire pour son pays, au lieu d’implorer, dans une longue plainte monocorde, que l’Etat en fasse davantage pour elle.

Voilà la conception que se fait notre groupe d’une région citoyenne. C’est une vision courageuse, et exigeante. Ce n’est certainement pas la vôtre… et c’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ce budget.

Je vous remercie.

 

 

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